Vers l’âge de 23 ans, en 2004, j’ai dessiné un tryptique représentant des masses de chair déformées très évocatrices, enchâssées sur des barres de fer. Quelques mois plus tard, j’apprenais que j’avais attrapé une saloperie de crabe. Ces trois peintures aquarelles étaient donc prémonitoires, à moins que ce fusse une révélation inconsciente de mon état avant même que le diagnostic soit posé. Au terme d’une opération et d’un long suivi peu agréable de dix ans qui me fit beaucoup réfléchir sur mes comportements et me servit de leçon, je fus déclaré officiellement guéri. Le plus difficile pour moi était d’y croire et de l’accepter. Malgré tout heureux de m’en être sorti, ma grande joie en réaction à cette annonce fut de me réjouir que j’allais pouvoir continuer à créer et dessiner. C’était ma troisième naissance.

Autour de mes 27 ans, en 2008, j’ai rencontré deux peintres talentueux et ensemble, nous avons créé une petite association qui n’a pas fait de miracle, mais cette période fut sujette à une intense émulation créative. C’est à cette époque que j’ai cherché à parfaire mon style en passant par différentes phases allant de l’expressionnisme à l’abstrait. J’expérimentais toutes sortes de techniques sur toile de lin : le fusain, la mine de plomb, la gouache, l’acrylique et l’aquarelle. Je me livrais aussi à des jeux de matière, des collages et parfois même, je peignais avec mon sang. Mon thème de prédilection était le corps.

Toujours plus enclin à produire des choses ténébreuses, l’on me répétait sans cesse de faire des œuvres plus gaies, plus colorées et plus grandes. Parce que c’était la condition quasi-obligée pour pouvoir exposer dans des salons de peinture et s’attirer les faveurs d’une populace sans imagination aux goûts formatés, avides de paysages et de formes en harmonie avec la couleur des rideaux de leur salon.