Depuis que je suis en âge de tenir un crayon entre mes doigts, j’ai toujours cherché à retranscrire ma vision du monde et ce que j’ai en moi. Mes premiers dessins d’enfant étaient réalisés au feutre et aux crayons de couleurs. Naïvement, je dessinais beaucoup de canards (dessins de 1989). Mais très vite, mes œuvres ont pris une dimension plus inquiétante.

Un dessin de 1986 représente un cœur sombre au recto de la feuille, puis au verso, un monstre dévorant un immeuble. J’avais alors seulement cinq ans. Vers huit ans, en 1989, je me suis mis à faire des scènes de guerre, certainement inspirées par ce que je voyais aux informations dans les années 80. C’était la guerre du Liban. On parlait aussi beaucoup des famines en Afrique et de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl qui cristallisait beaucoup d’angoisse sur l’avenir.

À l’époque, dans les actualités télévisées, les présentateurs se contentaient de recommander aux téléspectateurs d’éloigner leurs enfants du poste de télévision, puis les pires images du monde défilaient sur le petit écran. Je me souviens encore très bien de l’exécution du couple de dictateur roumain Ceaucescu. La vision des corps tombant sous les balles m’avait effrayé autant qu’elle avait exercé sur moi une certaine fascination. Je me revois encore rejouer la scène avec mes petits soldats en plastique sur le linoleum du salon familial, à la grande stupéfaction de mes parents.

Plus tard, vers l’âge de 9 ans, j’ai découvert mes premiers films fantastiques, de science-fiction et d’horreur gentillets. Ces univers effrayants étaient plus rassurants que l’atroce réalité autour de moi, à laquelle venait s'ajouter la maladie mentale de ma mère dont je commençais à prendre conscience. Peu à peu, ces métrages ont constitué un refuge, une dimension culturelle enveloppante qui agissait comme un exutoire à mes angoisses.