Entretien avec Etienne Ruhaud
Publié dans Correspondances, interviews
D’une façon plus générale, il me semble qu’évoluant confortablement depuis des années dans un univers culturel sombre, cela influe sur la tonalité de mes productions. D’autres artistes ont eu une influence majeure sur moi. Les peintures de Francis Bacon et de Vladimir Velickovic, les dessins d’Egon Schiele ainsi que les photographies de Joel-Peter Witkin et David Nebreda m’ont bouleversé quand je les ai découverts.
Tu l’auras compris, je suis imprégné par tout un tas de choses. Je passe du temps à lire des livres et à regarder des films. C’est un besoin. Plus particulièrement, l’œuvre littéraire de H.P Lovecraft m’interpelle au plus haut point et j’ai parfois le sentiment de partager, à mon échelle, nombre de ses angoisses existentielles. Cet auteur aura eu le génie de concevoir une œuvre complexe et intense, difficile à restituer en image tant sa force s’exprime avant tout dans l’esprit.
E.R. : Peux-tu nous parler de tes intercesseurs ? Te sens-tu proche de tel ou tel peintre ?
D.B : Les corps peints par le peintre Vladimir Velickovic m’ont toujours beaucoup impressionné. Il y a un peu plus de dix ans, j’avais vu une exposition de ses œuvres dans un centre d’art, au Temple de Chauray (79). J’étais arrivé dès l’ouverture à 13 heures pour n’en partir qu’à 18 heures, gentiment poussé vers la porte de sortie par la personne qui gérait le lieu. Cette exposition fut pour moi une énorme claque. Auparavant, je n’avais vu en vrai qu’une seule de ses œuvres, au musée des Beaux Arts de Pau. Il s’agissait d’un corps d’homme mort, gris et sans tête, reposant sur une table d’autopsie avec l’étiquette d’identification accroché à son gros orteil. En parallèle à la peinture, Vladimir Velickovic a produit une quantité innombrable de dessins à l’encre. Son trait est vif, nerveux et d’une précision chirurgicale absolument stupéfiante ! Toute son œuvre exprime la lutte pour la vie.