Également, les dessins réalisés de façon rigoureuse et compulsive par le peintre autrichien Egon Schiele ont eu sur moi un impact fort. Cet artiste dessinait à la mine de plomb, n’utilisait jamais de gomme et n’hésitait pas à repasser sur ses croquis à des endroits différents pour souligner, de la façon qu’il le désirait, la courbure d’une hanche ou le galbe d’un mollet. Ses dessins sont une véritable exploration frénétique et érotique de l’anatomie humaine. Obsessionnel et autant tyrannique avec lui-même qu’avec ses modèles, il n’avait de cesse de chercher à capturer le corps humain sous tous les angles pour en révéler toutes ses subtilités de la manière la plus crue et authentique qui soit.

 

E.R. : Tes Å“uvres représentent généralement des créatures, des chimères anthropomorphes en état de souffrance. As-tu des modèles, ou tout vient-il de ton imagination ? Où puises-tu cette étrange inspiration ?

D.B. : Je ne sais pas si mes créatures sont vraiment en état de souffrance. Certaines ont le sourire et semblent se jouer de leur condition. Elles sont nées comme elles sont et donc, ce que le spectateur pourra prendre comme un état douloureux ne sera que l’état normal de la créature depuis sa conception. Mes monstres n’ont donc rien à regretter, ni même à espérer. Ils sont.

Concernant l’inspiration, je n’ai pas d’autres modèles que ceux qui me viennent à l’esprit. Souvent, je suis devant ma feuille ou ma toile vierge sans trop savoir ce que je vais faire. À défaut d’une idée précise, c’est plus une émotion ou une énergie qui me traverse. Parfois, j’ai bien un thème en tête mais je peux dévier totalement pour partir sur autre chose. Hormis quand j’ai l’intention de dessiner quelque chose ou un personnage déjà existant, je ne sais pas du tout ce que je vais faire. Le sujet sort comme ça.